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2023 année du centenaire de la mort de Maurice Barrès : réédition de son roman L’appel au soldat

2023 année du centenaire de la mort de Maurice Barrès : réédition de son roman L’appel au soldat

Nous poursuivons ici notre survol barrésien des dimanches de cette année 2023, avec, pour le mois de juillet, l’annonce de la réédition du deuxième tome trilogie « Le roman de l’Énergie nationale », L’appel au soldat.

Cet ouvrage fut publié en 1900 par la maison d’édition Félix Juven. Voici la présentation qu’en fit René Jacquet dans son essai Notre maître Maurice Barrès (éd. Libraire Nilsson, 1900) :

La seconde partie du « Roman de l’Énergie nationale » n’étant pas encore entièrement parue dans la Revue Hebdomadaire au jour où nous écrivons, à défaut de l’étude détaillée qu’elle commande il nous est au moins possible d’en dégager les idées essentielles.


Dans l’Appel au soldat, on comprend de mieux en mieux le but qu’a poursuivi Barrès en écrivant son « Roman de l’Énergie nationale ». Les idées dans lesquelles vivent la plus grande partie des Français en cette seconde moitié du XIXe siècle ont été exprimées, ont reçu leur forme la plus puissante dans les cours de Michelet au Collège de France en 1848 et dans les Misérables de Victor Hugo. Je simplifie évidemment l’énumération, mais on m’accordera que parmi les œuvres littéraires qui ont été ces derniers temps, des réservoirs d’idées et d’émotions, les œuvres d’Hugo et de Michelet ont été des plus capitales. On s’est fait là un état d’esprit typique.

Eh bien ! Barrès a poursuivi d’une façon presque systématique un but analogue pour le nationalisme il a créé le mot, il a élaboré la doctrine, aujourd’hui c’est un livre réservoir d’idées qu’il nous fournit. Son intention est celle-ci rattacher l’individu « à sa terre et à ses morts ». Un passé qui est encore tout proche peut servir à démontrer l’inanité des transformations nationales qui ne s’appuieraient pas sur ce principe ; c’est pourquoi l’auteur de l’Appel a voulu retremper le Français et surtout le Français de l’Est qu’il affectionne plus spécialement, dans de fortes sensations anciennement subies.

L’Appel au soldat est l’étude minutieuse d’une fièvre française, d’une de ces fièvres qui continuellement, dans notre histoire, interviennent pour nous affoler, nous mener près de l’abîme ou d’une convulsion instinctive nous rejeter loin du précipice imminent. C’est notre caractéristique nationale, reconnue par toute l’Europe, de ressentir aux moments critiques de ces frissons qui furent souvent des frissons sauveurs.

Rien n’était plus important comme étude de psychologie sociale que l’analyse du spasme boulangiste, quelque opinion que l’on ait d’ailleurs sur ce malheureux Boulanger qui n’en fut pas, comme on .est tenté de le croire, l’agent déterminant. Le général Boulanger n’est pas l’objet du livre ; l’objet c’est le boulangisme, c’est une crise de l’instinct national.

On trouve dans l’Appel au soldat le morceau central des trois volumes, le magnifique chapitre intitulé « La Vallée de la Meurthe », la partie de son œuvre totale dont Barrès lui-même conçoit le plus de fierté « Dans cette centaine de pages, dit-il, j’ai peut-être mis le meilleur de moi-même[1]. » C’est de cette vallée qu’ont été déracinés par l’universitaire Bouteiller les sept jeunes héros du roman ; c’est encore, à l’époque du boulangisme, sur les plantes de ce sol que l’esprit d’un Bouteiller parfait son action néfaste : cette société est « dissociée et décérébrée » le sol et la race sont envahis, leur influence anéantie. Sturel, guidé par Saint-Phlin, parcourt sa petite patrie, retrouve à mesure qu’il avance son origine lointaine. D’heure en heure le jeune déraciné se reprend au sol natal, il en arrive à comprendre que le sol et les ancêtres collaborent puissamment aux instincts d’une nation, bien plus qu’ils les forment. Et prévoyant la force d’une réorganisation française qui s’appuierait sur ce principe de tradition, il se rend compte que le boulangisme fait fausse route et ne pourra être inscrit dans l’histoire que comme une agitation stérile

Nulle part on n’a mieux montré ce qu’est une nation, comment elle peut mourir, comment elle peut se transformer.    

[1]La Vallée de la Meurthe marque peut-être l’apogée de Barrès styliste. Des pages que j’en voudrais citer sont d’une poésie exquise, d’une force magnifique, d’une éloquence sublime. Peut-on lire sans être pris d’un frisson d’art et de patriotisme les lignes par lesquelles Sturet et Saint– Phlin saluent Metz infortunée ? « C’est, pensaient-ils, l’Iphigénie de France dévouée avec le consentement de la patrie quand les hommes de 1870 furent perdus de misère, sanglants, mal vêtues sous le froid et qu’eux- mêmes, les Chanzy, les Ducrot, les Faidherbe, les Bourbaki, les Charette, les Jaurès, les Jauréguiberry renoncèrent. Toi et ta sœur magnifique, Strasbourg, vous êtes les villes françaises les plus aimées un jour viendra ; que parmi les vignes ruinées, sur les chemins défoncés et dans les décombres nous irons vous demander pardon et vous rebâtir d’or et de marbre. Ah ! les fêtes alors, l’immense pèlerinage national, toute la France accourant baiser les fers de la captive. » Je doute que, dans toute notre littérature, on trouve dix lignes plus parfaitement belles que celles-là.


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