Belle-de-Mai Éditions étoffe sa collection maurrassienne, avec la réédition de Quand les Français ne s’aimaient pas. Un livre magistral d’une parfaite actualité
Le titre de ce volume publié en 1916 porte une ambiguïté, dans le sens où il peut être interprété doublement : il s’agit d’abord et avant tout d’identifier sa véritable signification. Il peut laisser croire que ce que le livre aborde est cette propension bien française – si ce n’est gauloise – à la division… à la guerre civile… Ce serait alors une référence à la Commune ou à l’Affaire Dreyfus, épisodes éclatants de guerre civile française.
Or ce titre ne doit pas être compris comme « Quand les Français ne s’aimaient pas entre eux » ; il veut plutôt exprimer l’absence d’amour de soi qu’éprouvent les Français vis-à-vis d’eux-mêmes, tendance que cet ouvrage entend précisément contrecarrer.
Collection de textes écrits sur dix ans au tournant du XXe siècle – entre 1895 et 1905 –, cet essai pose le constat que depuis la défaite de 1870 face à la Prusse, les Français ont intériorisé un sentiment de manque de confiance en eux-mêmes qui les pousse à considérer ce qui vient de l’étranger comme forcément plus digne d’intérêt, de meilleure qualité, que les productions nationales.
Ce n’est pas l’amour-propre (assimilable à de l’orgueil) qui gâte l’esprit français à l’heure de la IIIe République, diagnostique Maurras, mais son manque de fierté de soi. L’exemple le plus flagrant est le statut conféré à Emmanuel Kant par le nouveau régime, qui l’a érigé en maître absolu de la philosophie. Ce sont les préceptes moraux de ce penseur de l’Aufklarüng (Lumières allemandes) qui sont chargés de guider les jeunes âmes au sein de la nouvelle École, laïque et républicaine.
Tel est le message que martèle le fondateur de l’Action Française : nous, porteurs d’un héritage qui nous oblige, celui de la Civilisation helléno-latine, n’avons nul besoin de chercher à l’extérieur, que ce soit en Germanie ou ailleurs, nos modèles en Politique, dans les Arts et les Lettres.
À l’étendard républicain où figure la personnalité de Kant, Maurras brandit son propre étendard ayant comme figure tutélaire Bossuet, suggérant par là que l’Âge classique (XVIIe siècle), durant lequel ce dernier vécut, fût l’apogée de la Nation France, qui pouvait alors sérieusement revendiquer le rang de Première puissance mondiale.
Maurras refusait que cette grandeur n’appartînt qu’au passé : que les Français s’aiment est le point de départ de la Renaissance française, estimait-il, ce qui implique la fin de la République, qui systématiquement place les autres avant les nôtres. ■