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Il y a 530 ans, Christophe Colomb découvrait l’Amérique : réédition du Révélateur du Globe de Léon Bloy

Il y a 530 ans, Christophe Colomb découvrait l’Amérique : réédition du Révélateur du Globe de Léon Bloy


1492, date marquante s’il en est de notre Histoire : 530 années nous en séparent. C’est l’occasion de suggérer la lecture de l’hagiographie que lui a consacrée Léon Bloy. Hagiographie car c’est un appel à sa béatification future. Hagiographie préfacée par Jules Barbey d’Aurevilly, ce qui acheva s’asseoir la notoriété de Léon Bloy.

Premier succès d’un homme longtemps objet d’une « conspiration du silence », Le Révélateur du Globe insiste sur la part surnaturelle de l’épopée de Christophe Colomb, totalement éludée par nos historiens modernes.

Les plus jeunes qui connaîtraient mal Léon Bloy sont invités à lire sa nécrologie que la gazette illustrée Le carnet de la semaine publia pile un an avant l’armistice de la Grande Guerre, le 11 novembre 1917 : 

« Lorsque l’écrivain du Révélateur du Globe s’attacha à la béatification future de Christophe Colomb et débuta dans les lettres, il approchait de la quarantaine et quand parut son premier roman, Le Désespéré, sorte d’autobiographie qui le masque à peine du sombre pseudonyme de Caïn Marchenoir, il était plus que quadragénaire. Il arrivait à la notoriété désabusé, amer, l’âme pathétiquement ulcérée.

Sa vie, jusqu’à ses débuts, reste opiniâtrement mystérieuse. Ce fut celle d’un batteur de pavé, accumulant les déboires et les rancœurs et prompt à accuser la société des Pires infamies et déchéances. Il voulut affirmer que la beauté est toujours tragique, parce qu’elle est le chant des privations et des misères douloureuses. Léon Bloy afficha donc volontiers sa destinée de « mendiant ingrat » ; mendiant parce qu’il ne lui déplaisait point, étant catholique, de vivre d’aumônes comme les saints, et ingrat, parce que l’ingratitude est l’indépendance du cœur et que l’argent reçu est une humiliation qui ne se peut muer en gratitude.

À ses regards, qui s’insurgeaient devant la laideur morale de tous les viagers de la gloire, le démon du médiocre semble être le principal agent propagateur d’hérésies. Il fut l’âpre contempteur le plus aveuglément courroucé et le plus prodigieusement inique qui se soit jamais manifesté dans les lettres de tous les temps. Ce fut à tort qu’on le compara à Louis Veuillot. S’il en eut le cynisme apostolique et très souvent anti-romain, il n’en montra jamais les ébriétés paillardes de carme en goguette et n’eut point les subtilités et la souplesse intellectuelle de l’auteur d’Histoire de deux Amants et d’un apothicaire. Il s’affirma, à vrai dire, comme une force dévastatrice et déclara prétendre posséder les vertus d’un Vésuve d’immondices embrasés. Il faut relire les cahiers de sa satire hebdomadaire intitulée le Pal et qui paraissait vers 1885, pour apprécier l’originalité et les déflagrations de son stylé d’entrepreneur de démolitions.

Il était volontairement excessif, outré, et il maniait la plume comme une matraque d’or enrichie de pierres et avec la brutalité d’un apache qui veut descendre son pante. Pas de ménagements de nuances ou de demi-tons ; un éclat également gueulard et précieux qui assommait les victimes et stupéfiait la galerie où une élite d’admirateurs et de connaisseurs affluait pour juger de son art de dégringoler les décrocheurs de timbale, en trois mouvements.

Barbey d’Aurevilly, qui l’avait accueilli, compris, encouragé, et aimait ce tempérament de féroce combativité calibanesque, le nommait Bloy-le-noir, en raison de sa forte moustache de bachi-bouzouk de ses yeux de jais en boules de loto, à la fois effarés et ingénus et de ses sourcils en buissons, hérissés à la façon des crins placés sur les orbites des diaboliques masques du Japon.

Il comparait le style du pamphlétaire à de La Ronde bosse peinte, c’est-à-dire modelée et peinturlurée avec une intensité sauvage, à la façon des caraïbes primitifs, ayant le goût instinctif et passionné d’associer le relief à la couleur. Rien n’est plus juste.

Il faut saluer, toutefois, le départ de ce maître polémiste exceptionnel, comme on salue, lorsqu’il disparaît, un talent hors ligne, précisément parce qu’il fut au service d’un esprit indéniablement élevé et d’une conviction excessive, mais formidable d’absolutisme. Bloy sentit que la guerre le tuait et l’émiettait. Peut-être fut-il jaloux de la voix du canon qui gueulait à un diapason qui dominait la sienne. Et puis, comme tout passe, lasse et casse, il était démodé. Ce n’était bientôt plus qu’un fantôme du passé ; le mendiant ingrat était pantouflard ; l’âge, qui avait apaisé son vice, le conduisait aux gestes bourgeois. La mort le délivra de cet outrage. »   

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